S'il a travaillé aux Studios de Jiri Trnka, son animation est plus fluide, plus rafinée. Kihachiro était un vrai maître dans ce domaine. Tout y est : la beauté des personnages, des décors, de la mise en scène, le travail des détails, des costumes, de l'éclairage.
Comment le Japon si riche en art pictural, grâce à l'utilisation de son écriture et de sa calligraphie, produit-il des dessins animés industriels, en copiant l'industrie américaine du cartoons, elle-même héritage des comics des années 1930 ? Certainement une question de mode, mais cela reflète une dégradation de civilisation, tout simplement. L'industrie du dessin animée américaine est bien souvent vulgaire, caricatural à l'excès, et produit de consommation comme une bouteille de boisson pétillante.
Étant pendant un moment animateur de dessins animés, j'ai eu l'occasion de rencontrer en France Kihachiro Kawamoto par l'intermédiaire d'un ami, qui était un excellent mécanicien. Il faut savoir que les marionnettes sont du travail d'orfèvre, elles sont articulées, et il y a intérêt à ce que la mécanique soit solide, vu le nombre incroyable (image par image) de manipulation, ça casse facilement ; c'est pourquoi on fabrique généralement plusieurs modèles d'un même personnage, surtout plusieurs têtes, éventuellement avec plusieurs expressions. Les marionnettes mesurent généralement entre 15 à 20 cm de haut. Elles sont boulonnées sur le plateau du décor au travers de minuscules petits trous. Il y a des tas d'astuces pour guider les accessoires animés, mais pour les gestes des personnages, tout est dans la tête de l'animateur !
Kawamoto est surtout connu pour
Sangokushi, l'adaptation télévisée de marionnettes en 1982-1984 d'après le roman littéraire chinois des
Trois Royaumes. Il a également travaillé sur un certain nombre de travaux expérimentaux d'animation tels que
Shijin no Shougai et les
Jours d'Hiver. Pour les
Jours d'Hiver, Kawamoto a remporté le Grand Prix des médias au Japon, le Prix Arts Festival en 2003, de la Division Animation.
Kawamoto est né à Tokyo en 1925. Il a commencé à travailler dans l'industrie dans le service d'art du
Studio TOHO en 1946. Il est ensuite devenu un marionnettiste pigiste et s'est rendu dans l'ex-Tchécoslovaquie pour apprendre le métier avec l'artiste de renommée internationale Jiri Trnka. A son retour au Japon, il a aidé à développer le domaine de la fabrication des marionnettes japonaises et le théâtre.
En plus de
Sangokushi, Kawamoto créé en 1993-1995 l'adaptation en marionnette du classique japonais de la guerre épique
Heike Monogatari. Sa dernière œuvre est une adaptation en 2005 de
Shisha Shinobu Orikuchi. Il a servi comme président de l'Association japonaise d'animation.
La mode actuelle fait que nous ne voyons plus guère de films d'animation en marionnettes, ni de films d'animation en papier découpé, le vrai, pas une assistance par informatique. Le vrai papier découpé, comme la marionnette, est animé sous le
banc-titre image par image. Contrairement au dessin animé classique où l'animateur peut facilement contrôler la succession de ses dessins qui donnera vie à son personnage, l'animateur de marionnette ou de papier découpé ne dispose de presque aucun repère ; il doit avoir tout dans sa mémoire. La surprise heureuse ou moins heureuse viendra de la projection des rushs.
L'animation de marionnette et de papier découpé (genre films de
l'Office du Film du Canada et de
Michel Ocelot) est nettement plus poétique.
(Le logo en haut de page est celui du studio de Trnka :
Les Frères en Tricot)
M. R.
Chef d'œuvre de Jiri Trnka : LA MAIN (1965). Si vous avez un moment, prenez la peine de regarder ce chef d'œuvre.