Un été avec COO
Kappa no coo to natsuyasumi
河童のクゥと夏休み
Un film de Keiichi Hara (1)
Character design : Yûichirou Sueyoshi
Directeur artistique : Takashi Nakamura
Color design : Yukiko Nonaka
Animation : Film Shinei (Unité indépendante de la production de COO)
Musique : Kei Wakakusa
C’est COO qui m’a demandé de mettre cette page sur son histoire. Ainsi j’exauce son vœu, et vous pouvez pas savoir combien il a insisté, non vous ne pouvez pas savoir... C’est pour vous aussi les enfants, car c’est grâce à vous que peuvent vivre COO sa famille et ses nombreux amis. C’est grâce aussi à certains adultes, qui ont sût garder leur âme d’enfant et qui croient au merveilleux, que les kappas peuvent vivres.
Kouichi, petit écolier en quatrième année de primaire, découvre une pierre bien étrange dans le lit d’une rivière et la rapporte à la maison. Alors qu’il décide de laver ce précieux trophée, un étrange animal en sort. Surprise, c’est un kappa 河童, un esprit, ou plutôt un jeune dieu de l’eau (un élémental en Europe, soit un ondin), figure importante du folklore japonais. La famille de Kouichi appelle ce kappa : COO et décide d’en prendre soin. Toutefois, la rumeur de la présence de COO ne tarde pas à se propager et toute la ville ne parle plus que de lui. COO inquiet d’ennuyer la famille de Kouichi décide de partir.
L’aventure de COO à la recherche d’autres kappa commence... (Résumé d’après la présentation du site français de COO)
Un été avec COO est un attendrissant film d’animation, émouvant, drôle, poétique, féerique, comme ce que font les Japonais dans leurs films et dramas. Le graphisme est réussit, moderne, nerveux, hélas trop caricatural ou mal maîtrisé dans certains plans, heureusement rares. Le jeune héros est bien rendu dans le dessin et l’animation, sauf là encore, quelques plans ne s’accordants pas à l’ensemble, trop cyclique par exemple. Mais alors le kappa COO, ou l’élémental chez nous en Europe, est kawaï ou craquant au possible, avec ses grands yeux. Chose rare à notre époque, et après tout saine, son sexe est même dessiné.
Son apparition est un miracle, tout comme Elliott découvrant E.T. dans le film de Steven Spielberg, les humains veulent voir, filmer, etc., une preuve quoi, dans ce monde si rationnel. Certaines scènes pourront vous arracher des larmes.
L’histoire est fluide, bien maîtrisée, et rien que pour le sujet, ça vaut largement les quatre étoiles.
C’est un spectacle pour les jeunes de 7 à 117 ans. (Mon commentaire déposé sur Allo Ciné)
Il s’agit d’un conte sur les problèmes sociaux du Japon moderne, de la dégradation de l’environnement et de la bêtise des médias ou bêtise humaine tout court. Le film est tiré de la littérature pour enfants de Masao Kogure.
Analyse et commentaires :
Nous sommes au Japon il y a très longtemps, à l’époque où les hommes portaient de longues lames d’acier attaché à leur ceinture. Il fait nuit, c’est la saison des lucioles, un père Esprit des Eaux (Élémental) et son fils s’entretiennent des autres Esprits, des Dragons et des humains. Dès les premiers plans on sent que l’équilibre graphisme et animation penche plutôt pour le graphisme. Le style de Hara me fait irrésistiblement pensé au studio américain UPA (United Production of Animation) de Stephen Bosustow (un ancien animateur de chez Disney) et au dessin animé de long métrage : Magoo’s Arabian Nights (1001 Arabian Nights, 1959) (examinez bien les model-sheets). La UPA était la rivale des studios Walt Disney, donc l’animation était simplifiée et le graphisme plus anguleux, plus moderne, et les histoires s’éloignaient grandement des mièvreries et des couleurs bonbons fondants de Disney. C’était une petite révolution à l’époque, et même l’URSS qui copiait les USA en était resté à l’animation molle et ronde des années 1940. Je retrouve donc cette impression dans COO, et je ne pense pas que la comparaison avec le studio Ghibli soit bonne. Hara possède son style propre, critiquable certes, mais c’est sont style, tout de même somptueux ici, et on peut passer sur certains plans trop caricaturaux ou moins heureux. Donc Keiichi Hara est plutôt un nouveau Bosustow, et peut-être le successeur ou continuateur de Miyazaki ?...
En 1958 il fallait 70 000 dollars pour produire un dessin animé de 7 minutes (2), on peut se demander ce qu’à coûté Un été avec COO avec ses 2 h 15 ! La production de COO a consisté à faire traiter l’animation au studio : Film Shinei. Ayant participé comme animateur à l’animation du dessin animé de long métrage : La Genèse, film de Pierre Alibert (1974), toute l’équipe de fabrication a été monté pour le film, il n’y avait aucun sous-traitant, comme au Japon. Ceci permet une plus grande unité dans le résultat final.
Ce qui est extra ordinaire dans COO, c’est le magnétisme que dégage l’interprétation et le design de COO. Plus kawaï (mignon) sera difficile à trouver ! Cela se passe mal entre un type au long katana et le père de COO, le type le tue plus par peur que par bêtise, et COO cherche à s’enfuir. Un tremblement de terre se produisant à ce moment l’engloutit. Signe de vengeance des Esprits de l’Eau ?... Je vois cela comme ça, car c’est ce qui sauve COO du katana meurtrier. Mais COO, comme le thème de la Belle au Bois dormant, est mis en sommeil : il est fossilisé dans les profondeurs de la terre.
Sur une très belle musique, nous faisons un bond dans cette saloperie de chronologie, pour nous retrouver à la moitié des années 2000, en compagnie d’un garçon de 12 ans : Kouichi. Là encore, il faut prêter attention aux signes : Kouichi chahute avec ses camarades d’école, il veut lancer un coup de pieds en direction de l’un d’eux, et c’est sa chaussure qui atterrit au bord d’une petite rivière. Cela permet de découvrir la pierre qui contient COO fossilisé. Je parle de signes, ici en Occident on n’y fait pas du tout attention. C’est la pierre, ou COO qui a appelé Kouichi, c’est aussi évident que ce qui m’est arrivé avec des graines de plantes et même d’arbres. Les animaux comme le chien et le chat, les oiseaux, sont très réceptifs aux signes.
Dans quelques plans, l’animation de cycles et de voiture par exemple peut sembler bâclée, mais il faut plutôt le voir comme un style. Pareil pour le « Model Sheet », ou Feuille de modèle en français : c’est simplement le modèle d’un personnage qui sert aux autres dessinateurs et animateurs tout au long du film. Et dans COO le model Sheet a été oublié : il y a des variations de style dans Kouichi assez surprenantes, mais non gênantes à mon avis ; c’est pareil pour le père de Kouichi.
Dans l'histoire, Kouichi nettoie la pierre de COO fossilisé dans le lavabo de la salle de bain de sa maison. Évidemment COO se réhydrate et gonfle après plusieurs siècles de conservation.
Comme COO est un Esprit, je préfère employé le mot dieu (3), il parle le japonais. COO est un être hybride, une tortue grenouille ; tout comme le dragon, objet de fascination et de répulsion, créature bénéfique comme maléfique, tout comme l’Élémental. La Nature a fourni aux hommes des exemples de créatures hybrides, telle les chauve-souris. Les hommes des temps anciens ont été très probablement frappés aussi par la découverte fortuite de restes enfouis dans le sol, d’ossements gigantesques et de crânes aux formes bizarres, qui furent interprétés comme la preuve de l’existence de créatures monstrueuses. Et que dire sur les Dinosaures, mais ce n’est pas l’histoire de COO.
Pour en revenir à COO, la petite sœur de Kouichi n’apprécie pas du tout COO, tout au moins quand celui-ci est mal en point après tous ces siècles de dessèchement, un comble pour un dieu de l’Eau. COO demande à Kouichi de le sauver. Kouichi nourrit COO à coup de viande et de concombres.
Il y a une scène touchante, mais il y en a bien d’autres aussi, celle où Kouichi fait de la rééducation à COO en l’aidant à marcher et à se tenir debout. Une scène drôle : la petite sœur de Kouichi rapporte deux escargots dans un bocal, COO en gobe un, ce qui désespère la fillette. COO est maintenant en pleine forme. Une autre séquence bien poétique, celle ou Kouichi emmène COO dans un sac à dos, ils vont se promener en ville à bicyclette. COO est effaré par les voitures, les immeubles, et toute cette étrange civilisation ; mais il se sent seul et voudrais rencontrer au moins un autre kappa. A la maison, on donne une petite chaise à COO, mais elle appartenait à la sœur de Kouichi, ça déclenche une lutte pacifique entre COO et la sœurette, puis entre COO et Kouichi, puis entre le père et COO. Devinez qui est ce qui gagne à chaque fois ?... Drôle aussi la scène où COO est un peu ivre et il danse en chantant une sorte de danse de la pluie, avant de s’endormir et sous les rires de la famille de Kouichi. Avec une serviette mouillée sur la tête il doit-être bon pour une crise de foi.
Comme les Élémentales se comportent comme les enfants, COO n’échappe pas à la règle : il sort par une nuit pluvieuse de la maison de Kouichi et s’amuse à patauger dans une grande flaque d’eau au milieu de la rue, ce qui effraye deux jeunes humains sous leur parapluie. Ça va commencer a faire jaser dans le quartier de Kouichi. Au bout d’un temps, lorsque COO et Kouichi font une virée par la train pour se rendre dans la campagne, on découvre l’imbécillité des humains : près d’une rivière il y a une web-camera qui film 24 h sur 24 pour tenter de capter un kappa, et en plus pour cette capture il est offert 10 000 000 de yens. On a une musique country avec Harmonica sur les balades en vélo dans la campagne japonaise ravissante, pour trouver la séquence où COO nage dans une rivière et y entraîne aussi Kouichi. Les vues sous l’eau sont fort bien rendues et accompagné par des percussions exotiques. C’est dans cette séquence que COO se sert de ses gaz intestinaux comme moyen de propulsion momentané... Par la suite Kouichi nage sans se fatiguer accroché à COO. C’est très émouvant, car Keiichi Hara sait montrer parfaitement la communion entre COO et Kouichi. Là encore : comparaison entre Elliott et E.T. du film de Steven Spielberg. L’amitié continue car Kouichi fait découvrir la mer à COO, et il va se rendre compte de ce que c'est de l’eau salée.
C’est en rentrant de cette délicieuse balade que ça se gâte : des journalistes arrivent à photographier COO en agressant Kouichi. Symbolique c’est grave, car le symbole COO doit resté voilé, sinon c’est la mort pour tous. A ce propos on se pose la question de savoir si les kappas ont des pouvoirs surnaturels, c’est une évidence... la question comprend déjà la réponse. La maison de la pauvre famille de Kouichi est maintenant cerné par des téléobjectifs. C’est tout juste si on installe pas devant une buvette et un marchand de sandwichs... Terrifiante est la séquence des médias. Vous imaginez si c’était un extraterrestre... Évidemment quand COO « passe à la télé » on lui a mis un slip pour cacher son sexe... Ça fait plus « bon sauvage ». Je ne veux pas tout raconter pour pas gâcher, mais COO découvre le bras coupé de son père momifié dans une petite boîte. Quand je parlais de chronologie... et ce bras coupé c’est la goutte d’eau qui fait... Après, c’est speedé comme la fête au château de la Colinière, dans le film la Règle du Jeu de Jean Renoir. J’aime toujours citer cet exemple pour « la vitesse », le rythme.
Coo-chan, comme l’appel les passants dans les rues est sur son « dragon volant », tentant de fuir dans Tokyo... environnement non adapté pour l’espace et l’arrangement géométrique de ces êtres. Vous imaginez vous, un dieu de l’Eau escaladant notre Tour Eiffel ? Je vois d’ici la tête du Président Sarkozy... Que fait la police ?!
C’est une fable qui va plus loin qu’elle n’en a l’air, je regrette qu’il y ai eu si peu de spectateurs le jour où je suis allé voir Un été avec COO sur les Champs-Elysées à Paris, et en plus un samedi après-midi. Car en faîte : l’argent, les médias, les croyances, les religions, le rêve et la Matière, les illusions et la chronologie... Cherchez bien... Et en plus quand on sait l’importance que la télévision et les imprimés ont au Japon !
Quatre étoiles et plus pour Un été avec COO, c’est un chef-d’œuvre qui m’en rappel un autre : Le roi et l’oiseau, de Paul Grimault . C’est la même poésie, et comme Miyazaki est un grand admirateur de Paul Grimault, c’est dans cette poésie que peuvent se rejoindre Hara et Miyazaki. Les décors sont soignés mais sans originalité sauf dans les bords de rivière et autres eaux, et la forêt à la fin. Le layout (mise en place dans les plans des éléments et des dessins clefs) est très réussit. J’aime beaucoup le graphisme général des personnages et autres animaux ou objets. Le doublage de COO en japonais est sensationnel, l’animation de COO est très bonne. Bravo bravo bravo à Keiichi Hara, et les Japonais finalement ne sont pas dupe de leur société malade, tout comme les autres sociétés d’ailleurs...
On devrait « trouver » des dieux comme ça plus souvent et le monde tournerait plus rond.
Michel Roudakoff
Dessin de Kappa tiré de l’outil extraordinaire :
Dictionnaire des monstres japonais, de Shigeru Mizuki, Pika Edition.
Layouts ou mises en place des éléments dans Coo
Photographier des Kappa comme Coo
Dans Un été avec Coo, on peut voir les humains japonais vouloir les preuves de l’existence d’un Kappa, avec une caméra branché sur un cour d’eau, et en plus une récompense de dix millions de yens (environ 76 500 €) offerte à qui apportera la preuve de la réalité d’un Kappa. Toujours la vieille tendance rationaliste.
Un ami, Dom, possède la sensibilité artistique pour saisir l’Instant des Élémentals de la Nature, à l’aide de son appareil photo. Voir son site pour en savoir plus. Ce n’est pas facile de saisir comme cela l’expression d’un esprit de la Nature se manifestant à lui, à travers la magie ondulatoire de l’eau, de l’atmosphère, d’un reflet ou à travers un feu.
Ci-dessous, six des photos de Dom.
D’autres photos de Dom.
Dragon d'Eau
Ondine tête d'oiseau
Tête
Élémental
Tête
Notes.
1. Keiichi Hara 原恵一 est né le 24 juillet 1959 dans la préfecture de Gunma. Il travailla précédemment à l’écriture de scénario et au dessin de storyboards (découpage technique dessiné).
2. D’après Robert Benayoun, dans son livre : Le dessin animé après Walt Disney, J.-J. Pauvert Editeur (1961).
3. Le mot Esprit prêtant à grande confusion, tout comme le mot âme d’ailleurs, il est donc ici assimilé au Souffle-animateur, dans le sens d’état de conscience qui sert à se représenter. l’Esprit est le principe immortel, immatériel, et purement divin de l’homme, la couronne de la Triade humaine. L’âme est le principe vital, le souffle de vie que partage tout être. (D’après Isis Dévoilée, de H. P. Blavatsky, Éditions Adyar)
Selon H.P. Blavatsky dans son Glossaire Théosophique, le terme « esprit » est seulement appliqué à ce qui appartient directement à la Conscience Universelle, et qui est son émanation homogène et sans mélange. Conscience Universelle où en Égypte, Maât, qui est la gardienne de l’ordre du monde.
Ainsi COO est un jeune dieu de l’Eau, plutôt qu’un esprit. Ce qui doit correspondre au mot kappa 河童 japonais concernant l’élément Eau. Le Yokai 妖怪 est un terme qui pourrait désigner en Occident d’autres Élémentals des trois autres règnes : Terre, Feu, Air. Cette famille de monstres, de dieux en tous genres dépend obligatoirement des éléments ; ils sont donc un intermédiaire pour les humains. Le Dragon, qui est familier en Europe aussi bien qu’en Chine, est de la famille symbolique des Salamandres, et donc du Feu. En Alchimie il existe des dragons rampants, et des dragons volants représentants le FIXE et le VOLATIL. Même si le funeste Lavoisier avec sa chimie matérialiste a essayé de foutre en l’air l’Alchimie, et le rationnel qui s’en est suivit n’ont pas empêché une partie de l’humanité de rester séduite par les récits fantastiques, les mythes et les croyances de toutes sortes.
[ Cliquez sur les vignettes, puis pour afficher l’image suivante : cliquez sur suivant ou précédent ou sur la partie droite ou gauche de l’image, ou utilisez les flèches du clavier ]
© Ces images et photos sont sous copyright et appartiennent à leurs auteurs respectifs.
Dernière mise à jour : 26-12-2009 15:45
|