Suite des
« Sublimes paroles et idioties » de Nasr Eddin Hodja.
Petit rappel :
Les récits les plus forts de
Nasr Eddin Hodja nous paraissent ceux qui jouent non pas du registre de la subversion sociale ou morale, mais sur celui, infiniment plus dérangeant, de la subversion du sens, présentant la raison ordinaire comme une aberration, voir comme une folie, et la folie apparente comme la raison suprême.
Le Hodja est souvent face au tyran de son époque : Timour
(Tamerlan) en personne. Aux côtés de ce monarque absolu, le Hodja par son « apparente idiotie » en met plein la vue au souverain, à tel point qu’il échappe tout le temps au bourreau dont le menace Timour. Le vrai roi c’est le Hodja !
PHYSIQUE DE LA MATIÈRE
Le jeune Nasr Eddin passe un examen à la
medrese :
- Peux-tu me dire ce que c’est que la matière ? lui demande l’examinateur.
- Ô maître, répond le candidat, Allah a donné à la matière tant de formes différentes qu’il est impossible, et même impie de prétendre la définir.
- Certes, certes, mais elle a cependant des caractères généraux. Est-elle opaque ou transparente, par exemple ?
- Oui maître.
- Ainsi donc tu prétends qu’on peut contempler le monde à travers les choses matérielles, n’est-ce pas ?
- C’est cela, maître !
- Très intéressant. Je serais tout de même curieux que tu me donnes l’exemple d’une telle chose.
- Très simple, maître : un trou de serrure.
[D’après l’édition préparée et présentée par Jean-Louis Maunoury, Phébus Libretto]