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Un de mes songes, surtout, me troublait plus que les autres. Je marchais
le long d'une ruelle étroite et mal pavée, encadrée
de maisons vétustes, à toits pointus. J'étais à la
recherche de mon père, qui n'était pas mort et se cachait
dans une de ces étranges bâtisses. Je pénétrais
sous un porche bas et sombre, traversais une courette encombrée
de planches et de bûches et entrais enfin dans une sorte de mansarde,
chichement éclairée par deux lucarnes rondes. Mon père
se tenait debout au milieu de la pièce, vêtu d'une robe de
chambre, et fumait la pipe. Mais il ne ressemblait nullement à mon
vrai père : il était grand, maigre, brun, avec un nez aquilin,
des yeux sombres et perçants, âgé de quelque quarante
ans. Il m'en voulait de l'avoir retrouvé, et moi, de mon côté,
je n'étais nullement heureux de la rencontre : je n'éprouvais
qu'un sentiment de surprise, voire de stupéfaction. L'homme se détournait
de moi et commençait à grommeler quelque chose, en arpentant
la pièce à pas menus... Ensuite, il s'éloignait petit à petit,
sans s'arrêter de grommeler et en jetant des regards en arrière,
par-dessus l'épaule... Les murs de la pièce s'écartaient
et se fondaient dans un brouillard... Effrayé à l'idée
de perdre mon père encore une fois, je courais derrière lui,
mais ne le voyais plus, bien que j'entendisse toujours son ronchonnement
irrité, un ronchonnement grognon... Mon cœur se serrait, je
me réveillais et n'arrivais pas à me rendormir... Tout le
jour suivant, je pensais à ce rêve et ne lui trouvais évidemment
pas d'explication satisfaisante.
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Ce film d'animation utilise la technique des estampes japonaises au lavis à l'encre de Chine sur calque, éclairé par transparence. Les dessins, exécutés très librement au pinceau, renvoient une animation sous un état un peu déprimé ; peut-être reflète-t-elle l'atmosphère oppressante du Rêve de la nouvelle de Tourgueniev. Je n'étais pas au mieux à cette époque, au sortir des Arts Appliqués et à l'entrée à l'IDHEC (actuelle FEMIS).
Des bouts d'essais ont été filmé sous
le rudimentaire banc-titre en
bois que j'avais construit dans le petit deux pièces
où je vivais avec mes parents. Ce banc-titre à pu être
déménagé dans le petit logement à côté de
celui de mes parents, et grâce à la caméra à pompe
de Berthold
Bartosch, j'ai tourné de courtes scènes. Berthold
Bartosch, le réalisateur du film L'IDÉE,
m'avait vendu son matériel
de prise de vues pour une modeste somme. La caméra
Parvo, du constructeur
André Debrie, était
actionné image par image par une pompe, réplique en plus grand
et en cuivre et en laiton d'une pompe à vélo des années
1930. Cette pompe avait fière allure et cela faisait bizarre de tirer
sur " la chaîne " (comme sur une ancienne chasse-d'eau
de w.c.), afin de faire la prise de vue d'un dessin. Le temps d'exposition
de la pellicule de 35 mm, pouvait se régler en ouvrant plus ou moins
le débit
de l'air dans le corps de la pompe fabriqué avec précision.
Bartosch a utilisé de la mousse de savon pour son film L'IDÉE, afin de rendre
l'épaisseur de l'air. Il était
fasciné par
le savon et son utilisation sur des plaques de verre éclairées
sur la tranche par de petites ampoules électriques
de faible puissance, d'où un temps d'exposition multiple de la pellicule.
(Bartosch faisait jusqu'à 18 expositions pour une seule image). Je
me souviens encore avec émotion de mon entretien avec lui, dans son
logement étroit au-dessus du théâtre parisien du Vieux
Colombier ; il me parlait aussi du compositeur Arthur
Honegger et lorsqu'il composait, de sa crainte des moindres bruits
provenant de son appartement de la rue de Clichy à Paris.
Bartosch avait un côté mystique, et l'animation
de film était
pour lui comme une religion qui ne souffrait pas de compromis. Une religion
parce que Bartosch payait très cher pour son culte (les nazis ont
détruit
les 900 mètres de négatif de son deuxième film, d'après
l'hommage d'Alexandre
Alexeïeff dans la
Revue du cinéma
Image et Son, numéro 224, de janvier 1969).
Je suis le dernier gardien de la pompe de Bartosch, qui à servit à faire
des prises de vues sur le film " L'IDÉE ".
Finalement, " En cherchant
son père " a été tourné à la
sauvette sur le banc-titre du
constructeur Giraud dans une unité de l'ORTF, tard dans la nuit
pour ne pas déranger
le service normal. Merci à Jean-Pierre Girard, le producteur de
la Société des Films Orzeaux, pour avoir produit ce dessin
animé en
finalisant la fabrication par un enregistrement en bonne et dû forme
au CNC, pour le passage au studio son pour l'enregistrement du morceau
de ma musique où je jouais de la balalaïka, et pour les finitions
du montage et du tirage d'une copie aux laboratoires LTC à Saint
Cloud. En juin 2006, j'orchestre la musique de " En
cherchant son père ".
Merci aussi à Dominique Benicheti pour m'avoir entraîné et
aidé à finir ce film. Merci également à Philippe
Delpont pour son aide.
M. Roudakoff
Site Unifrance avec une fiche du film :Générique.
EN CHERCHANT SON PÈRE
Adaptation, dessins et animation, réalisation : Michel
ROUDAKOFF
Assistant : Dominique BENICHETI
Montage : Danielle BAUDRIER
Musique : Michel ROUDAKOFF
Son : Jacques BOUJON
Production : Société des Films Orzeaux
Enregistré au CNC sous le n° 34 479
Laboratoires LTC Saint-Cloud
Report numérique : Laboratoires ÉCLAIR
Des sites sur l'écrivain
Ivan TOURGUENIEV :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_Tourgueniev
http://www.russie.net/france/bougival_vie.htm
http://www.turgenev.org.ru/fr/biographie.htm
http://perso.orange.fr/calounet/biographies/tourgueniev_biographie.htm
Datcha Ivan Tourgueniev : http://www.russie.net/france/bougival.htm
© Films Orzeaux and Michel Roudakoff