Cinq états chez l’individu : 1, le Jagrat ; 2, le Svapna ; 3, la Sushupti ; 4, le Turya ; 5, le Turyatita.
Jagrat : état de veille. En cet état, le jiva [être vivant],sous son aspect grossier individuel (
vishva), et le Seigneur, sous son aspect grossier universel (
Virât), demeurant ensemble dans les 8 pétales du Lotus du Cœur, fonctionnent par l’intermédiaire des yeux, puis au moyen de tous les sens et organes et jouissent des plaisirs procurés par les divers objets. Les cinq éléments grossiers déployés, les dix sens, les cinq énergies vitales, les quatre facultés internes, en tout 24 éléments fondamentaux, constituent ensemble le corps grossier. L’état de
Jagrat est caractérisé par le
sattva-guna [qualité de pureté], défini par la lettre A et régenté par la divinité Vishnou.
Le Svapna est l’état de rêve durant lequel le
jiva, sous son aspect subtil individuel (
taijasa), et le Seigneur, sous son aspect subtil universel (
Hiranyagarbha), demeurant ensemble dans la corolle du Lotus du Cœur, fonctionnent dans la nuque, en faisant l’expérience des conséquences des impressions recueillies à l’état de veille par l’intermédiaire du mental. Tous les principes, les cinq éléments grossiers, la volonté et l’intellect, en tous 17, forment ensemble le corps subtil du rêve qui est caractérisé par le
rajo-guna [qualité d’activité], défini par la lettre U et régenté par la divinité Brahmâ, ainsi que l’affirment les sages.
La Sushupti est l’état de sommeil profond durant lequel le
jiva, sous son aspect causal individuel (
prajna), et le Seigneur sous son aspect causal universel (
Ishvara), demeurant ensemble dans l’étamine du Lotus du Cœur, font l’expérience de la Félicité du suprême par l’intermédiaire de l’ignorance subtile (
avidyâ). De même qu’une mère poule, le soir venu, réunit sous ses ailes toute sa couvée pour lui assurer le repos de la nuit, ainsi l’être individuel subtil, après avoir fait l’expérience du
Jagrat et du
Svapna, se réfugie dans son corps causal avec toutes les impressions recueillies durant ces deux états. Le corps causal, formé par l’ignorance, est caractérisé par le
tamo-guna [qualité d’obscurité], défini par la lettre M et régenté par la divinité Rudra.
Le sommeil profond n’est rien d’autre que l’expérience du pur état d’Être. Les trois états reçoivent différentes appellations, notamment celles des trois régions, des trois citadelles, des trois divinités, etc. L’Être demeure toujours dans le Cœur, comme il a été dit précédemment. Si, dans l’état de
Jagrat, le Cœur n’est pas abandonné, les activités mentales sont apaisées et seul le brahman est contemplé, c’est l’état de
turiya.
Le Turyatita est l’état dans lequel l’être individuel se fond dans le Suprême…. Le Soi est sous-jacent à toutes les expériences. Il est leur témoin ainsi que leur support. La Réalité est donc différente des trois états, veille, rêve, sommeil profond. (En référence à
Ramana Maharshi, entretien 617).
- Maharshi : Vous parlez du monde et des événements qui s’y déroulent. Ils ne sont que des idées en vous. Ces idées sont dans le mental. Et le mental est en vous. Donc le monde est en vous.
- Question : Je ne vous suis pas. Même si je ne pense pas au monde, il n’en existe pas moins.
- Maharshi : Voulez-vous dire que le monde est séparé du mental et qu’il peut exister en l’absence de celui-ci ?
- Question : Oui.
- Maharshi : Le monde existe-t-il dans votre sommeil profond ?
- Question : Il existe.
- Maharshi : Le voyez-vous dans votre sommeil ?
- Question : Non, pas moi. Mais les autres qui restent éveillés le voient.
- Maharshi : Dans votre sommeil, en étiez-vous consciente ? Ou ne serait-ce pas plutôt maintenant que vous savez que les autres voient le monde ?
- Question : Oui, dans mon état de veille.
- Maharshi : Vous parlez donc de votre perception du monde à l’état de veille et non pas de votre expérience dans le sommeil. Vous admettez l’existence du monde dans les états de veille et de rêve parce qu’ils sont le produit du mental. Le mental se retire durant le sommeil profond et le monde se trouve dans la condition d’une graine. Au réveil, le monde se manifeste à nouveau. L’égo s’élance, s’identifie avec le corps et voit le monde. Ainsi, le monde est bien une création du mental.
- Question : Comment cela se peut-il ?
- Maharshi : Ne créez vous pas un monde dans votre rêve ? L’état de veille est également un rêve, mais prolongé. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui voie les expériences du rêve et du sommeil. Qui est-il ? Est-ce le corps ?
- Question : Il ne peut pas l’être.
- Maharshi : Est-ce le mental ?
- Question : Ce doit être lui.
- Maharshi : Mais vous existez aussi en l’absence du mental.
- Question : Comment ça ?
- Maharshi : Oui, en sommeil profond.
- Question : Je ne sais pas si j’existe alors.
- Maharshi : Si vous n’existiez pas, comment pourriez-vous vous souvenir de vos expériences d’hier ? Est-ce possible qu’il y ait eu une cassure dans la continuité du ‘je’ durant le sommeil ?
- Question : C’est possible.
- Maharshi : Si c’était le cas, un Johnson pourrait alors se réveiller comme un Benson. Comment l’identité de l’individu est-elle alors maintenu dans ces conditions ?
- Question : Je n’en sais rien.
- Maharshi : Si cet argument n’est pas clair, suivez alors un autre raisonnement. Vous admettez « J’ai bien dormi », « Je me sens reposé après un bon sommeil ». Vous avez donc fait l’expérience du sommeil. Celui qui a fait cette expérience s’identifie maintenant avec le ‘je’ de celui qui parle. Ce même ‘je’ doit avoir existé aussi durant le sommeil.
- Question : Oui
- Maharshi : Donc le ‘je’ a existé durant le sommeil. Si le monde s’y trouvait aussi, vous a-t-il dit qu’il existe ?
- Question : Non. Mais le monde me prouve maintenant qu’il existe. Même si je nie son existence, lorsque je me heurte à une pierre et blesse mon pied, la blessure me prouve l’existence de la pierre et donc celle du monde.
- Maharshi : : C’est cela. La pierre blesse le pied. Le pied dit-il qu’il y a une pierre ?
- Question : Non, moi ‘je’ le dis.
- Maharshi : Qui est ce ‘je’ ? Il ne peut être le corps, ni le mental, comme nous l’avons déjà vu. Ce ‘je’ est celui qui fait l’expérience des états de veille, de rêve et de sommeil profond. Ces trois états sont des changements qui n’affectent pas [l’identité] de l’individu. Les expériences sont comme des images qui défilent sur un écran de cinéma. L’apparition et la disparition des images n’affectent pas l’écran. [Comme dit un maître chan :
« Le vaste ciel n’est pas dérangé par le vol des nuages blancs »]. Ainsi, les trois états alternent successivement laissant le Soi non affecté. Les états de veille et de rêve sont des créations du mental. Le Soi les englobe toutes. Savoir que le Soi demeure heureux dans sa perfection est la Réalisation du Soi. C’est la réalisation de la Perfection et ainsi du Bonheur. […] Si la réalisation d’un tel Soi [celui de ne pas
« aider le monde »] est appelée égoïsme, cet égoïsme doit aussi englober le monde. Il n’y a là rien de méprisable [comme de ne pas diviser en rejetant les
”terroristes”].
…
L’écran de cinéma est-il affecté par des scènes d’incendie ou d’inondation ? Il en est de même avec le Soi.
L’idée « je suis le corps ou le mental » est si enracinée qu’il est difficile de s’en défaire, même quand on est convaincu du contraire. Quand on fait un rêve, on sait au réveil qu’il est irréel ; et l’expérience de veille devient irréelle dans les autres états. Par conséquent, chaque état contredit les autres. Ils ne sont donc que des états changeants qui se déroulent dans la conscience de celui qui les perçoit. Ce sont des phénomènes apparaissant dans le Soi qui, lui, ne change pas et reste non affecté par eux.
Tout comme les états de veille, de rêve et de sommeil profond ne sont que des phénomènes, la naissance, la croissance et la mort ne sont, elles aussi, que des phénomènes dans le Soi, lequel continue à demeurer inchangé et non affecté.
Naissance et mort ne sont que des idées. Elle relèvent du corps ou du mental. Le Soi existait avant la naissance de ce corps et demeurera après la mort de celui-ci. Il en est de même de tous les corps qui ont été pris successivement. Le Soi est immortel. Les phénomènes changent et sont mortels. La peur de la mort relève du corps, pas du Soi. Une telle peur est due à l’ignorance. Réalisation signifie vraie connaissance de la perfection et de l’immortalité du Soi. La mortalité n’est qu’une idée qui cause souffrance. Vous pouvez vous en débarrasser en réalisant la nature immortelle du Soi »
(Ramana Maharshi, entretien 487, du 2 mai 1938).
- Question : On dit que l’état de sommeil profond est l’expérience de la félicité. Cependant, au souvenir de cet état mes cheveux ne se dressent pas sur la tête pour autant. Pourquoi devraient-ils le faire en souvenir de l’état de
samâdhi [absorption totale dans la contemplation ; expérience directe, mais temporaire, du Soi ; transe] ?
- Maharshi :
Samâdhi signifie sommeil à l’état de veille (
jâgrat-sushupti). La félicité y est dominante et l’expérience en est très claire, ce qui n’est pas le cas dans le sommeil profond.
- Question : Pouvons-nous dire qu’en sommeil profond, il n’y a ni bonheur, ni malheur, que l’expérience est donc négative et non positive ?
- Maharshi : Mais le souvenir en est positif. Ne dit-on pas « J’ai dormi comme un bienheureux » ? Il doit donc y avoir l’expérience du bonheur pendant le sommeil.
- Question : La félicité consiste-t-elle seulement en l’absence de malheur, ou bien est-elle quelque chose de positif ?
- Maharshi : Elle est positive. La disparition du malheur est simultanée à l’émergence du bonheur.
- Question : Se peut-il que le souvenir du bonheur en sommeil profond ne soit pas clair, et qu’ainsi il n’y ait pas d’horripilation, de sanglots, etc ?
- Maharshi : La félicité du
samâdhi est une expérience parfaitement claire, de même que le souvenir qu’on en garde. Mais l’expérience du sommeil est autre chose.
Ne pas penser avec la conscience ordinaire, l’inconscient collectif de C.G. Jung, car ce sens commun pense trop.
La ”Cour” (enclos, vallée), ou encore : le Kendo :
Sans désir,
sans but,
sans recherche,
sans pensée,
ni obtenir ni rejeter,
ni saisir ni abandonner,
être libre.