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Vie rêvée des hommes Suggérer par mail
 

Ecrit par Sechy, le 30-01-2010 00:35

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Publié dans : Les News, Dernières news

Tags : Conscience, Humains, Nuit, Rêves, Songes, Vie


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Vie rêvée des hommes

Extrait du dossier du Journal NEXUS n° 63 de juillet-août 2009
Réalisé par Azou Minihy, Jean Dhot et Laudator.
 
 
 
Symbolisme, prémonition, heuristique, érotique... le rêve n'en finit pas de fasciner l'humanité. Tour à tour, astrologues, oniromanciens, psychanalystes et neurologues se sont penchés sur cette fabuleuse expérience psychique sans pouvoir en percer tous les mystères. D'autres comme les chamans, les méditants bouddhistes ou les chercheurs spirituels occidentaux ont tenté de l'apprivoiser à travers le rêve lucide, ouvrant ainsi de nouveaux horizons à notre compréhension de l'esprit et du monde. Enquête sur cette terre mystérieuse que chacun est à même de conquérir.
 
 
L'interprétation des rêves n'a pas attendu Freud. Il y a presque 2000 ans déjà, dans ses jugements astronomiques des songes, le Grec Artémidore, en digne continuateur d'une tradition plus ancienne, posait les fondements de ce qui ne cessa de se développer ensuite : le rêve a nécessairement un caractère explicatif de la réalité, sachant que dans bien des cas, par la nature divine qui est la sienne, il est le trait annonciateur du futur.
Le Moyen Âge et les siècles suivants ont repris et complété le texte d'Artémidore et l'on a vu se multiplier les ouvrages proposant une « clé des songes ». Il y a eu, si l'on peut dire, des best-sellers avant l'heure, comme La Physionomie des songes et visions fantastiques des personnes, écrit vers 1530 par un certain Jean Thibaut, astrologue à Lyon. Pour lui, comme pour ses contemporains, le rêve n'était qu'une expression de la réalité exprimée avec un symbolisme que l'on qualifierait aujourd'hui de simpliste. Pourtant, dans le même temps, une véritable interrogation sur le sens du rêve semble se développer. On trouve, comme une illustration de ce mouvement, l'intérêt suscité par les rêves apparemment prémonitoires qui précédèrent la mort des rois de France, Henri II, Henri III et Henri IV. Si le rêve est bien perçu comme une porte vers les mystères de la vie, il reste néanmoins abordé d'une manière généralement très superficielle.
À l'époque contemporaine, il existe encore bien des ouvrages proposant une « clé des songes », mais il s'agit le plus souvent des rééditions de livres écrits au XIXe siècle ou inspirés d'eux. On en reste toujours à un questionnement de surface, un peu comme un médecin qui se satisferait de regarder son patient sans chercher à comprendre le pourquoi de son état. De toute évidence, l'ancienne tradition orale qui se faisait l'écho d'un lien onirique entre hommes et dieux a été bien abîmée par des siècles de christianisation, au point qu'il n'en reste plus que des lambeaux.
L'une des approches novatrices les plus récentes est celle de la psychanalyse, qui n'apparaît pas n'importe quand dans l'histoire de la pensée.

Fascination romantique et rejet rationaliste
Dans le courant du XIXe siècle, la science apparaît comme la clé d'une compréhension totale du monde, tandis que les anciennes croyances sont rejetées en bloc. Ce que le christianisme n'avait pas réussi à vaincre totalement en mille cinq cents ans de pression sur les esprits, le rationalisme s'en est chargé : médecines traditionnelles, cultes locaux, etc., sont jetés dans l'ornière de « l'obscurantisme ».
Se manifestent alors deux réactions distinctes. L'une d'elles pourrait être associée au vaste mouvement romantique selon lequel le rêve est un monde en soi, un univers dans lequel on se fond corps et âme. Cette place laissée à une perception « irrationnelle » du monde trouve ses lettres de noblesse avec ce qui s'apparente à une véritable réaction contre l'omnipotence prétendue de la science : renforcer les croyances anciennes, et ce jusqu'à la caricature.
La croyance en un au-delà parfois peuplé d'esprits sert de fondement aux démonstrations spectaculaires, et fausses ! de l'existence des ectoplasmes, ces manifestations physiques des âmes des morts, semblables à de la fumée plus ou moins dense. Le lien avec le monde des défunts, dont les chamans étaient traditionnellement les maîtres, se retrouve alors cantonné au spiritisme, le Français Allan Kardec (1804-1869) se faisant le grand apôtre de ce mouvement qui, lors de démonstrations spectaculaires de convocation des esprits, attire des foules dans les cabarets, les théâtres ou les salons privés de la bonne société. Les menhirs et autres dolmens deviennent des lieux de cultes druidiques... alors qu'ils étaient déjà abandonnés depuis des milliers d'années quand les Celtes arrivèrent en Europe occidentale. Enfin, ressuscitées par les uns, les croyances locales (sources et rochers aux vertus curatives, par exemple) sont reléguées au rang de « folklore » par les autres.

L'approche psychanalytique
À l'opposé de cette réaction vive face au scientisme, apparaît celle qui donnera naissance à la psychanalyse. Pour Sigmund Freud (1856-1939), le père de la psychanalyse, le rêve serait comparable à un miroir déformant, mais révélateur des désirs que le tout premier contexte familial a estompé ou a contribué à former. Parallèlement à la formulation physique ou verbale des sentiments, le rêve est donc une voie royale pour l'expression des forces qui régissent l'inconscient, le grenier de tout ce vécu enfoui depuis la naissance. Le rêve, c'est aussi, et bien sûr, une soupape : il évite le passage à l'acte et formule de manière allégorique un conflit qui, s'il n'a plus ce médiateur, peut altérer profondément le comportement. En abordant ainsi le rêve, Freud et ses successeurs contribuent donc à rejeter au loin toute forme de réalité autre que symbolique aux rêves. Et encore, la symbolique que Freud a pensé décrypter n'est-elle qu'un reflet des liens familiaux aliénant l'individu dès l'origine.
En un sens, Freud fait tout de même oeuvre de pionnier en matière de rêve, puisqu'il rénove entièrement la perception que l'on a alors de l'existence, coincée entre un matérialisme obtus et les arcanes de la volonté divine.
Parmi ses successeurs, Carl Gustav Jung (1875-1961) oriente son raisonnement en changeant d'optique. Progressivement, par l'analyse des rêves, il définit notamment l'existence d' « archétypes », c'est-à-dire d'une symbolique commune à toute l'humanité, qui ne varie de forme que par le jeu de la culture. Son étude des arts, des mythes et des religions le convainc, malgré ses détracteurs, que l'homme partage avec l'autre, notamment à travers ses rêves, une communauté de pensées et de modes de fonctionnement essentiels. Dès lors, il existe bien un inconscient propre à chaque individu, mais aussi, de manière encore plus impalpable, un inconscient collectif.
Si Freud et Jung s'opposent sur l'interprétation du rêve, tous deux s'accordent pour dire qu'il s'agit d'un langage imagé révélant un aspect primordial de l'humanité. D'une façon ou d'une autre, le rêve exprime une réalité profonde. Sans en avoir la perception claire, ni la volonté dans le cas de Freud, ils renouent avec le rêve tel qu'il était vécu dans les sociétés traditionnelles dont la vision du monde n'était pas encore altérée par le matérialisme-roi.


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La science et les rêves

Depuis les années 1930, les scientifiques se sont penchés sur le cerveau pour tenter de comprendre, non pas le rêve dans sa dimension vécue, mais le phénomène physique observable au moment où il apparaît. Le sommeil est un phénomène naturel alternant avec la veille, qui se caractérise par une baisse de la vigilance et un ralentissement du métabolisme. La qualité de ce sommeil, dont le rêve est un bon indice - à la fois son souvenir et son contenu - est essentielle à la récupération physique et psychologique. C'est, on le sait maintenant, un élément important dans le phénomène de la mémorisation, notamment pour les enfants, et cela fait bien longtemps que l'on sait que la privation de sommeil fait partie de l'arsenal des bourreaux voulant faire « craquer » leur victime, et des gourous visant la dépersonnalisation de leurs adeptes. Il est possible toutefois de ne pas dormir sur de longues périodes, mais il est impossible de vivre sans rêver. L'un n'allant pas sans l'autre, être privé du rêve conduit aux dérèglements les plus graves de l'esprit. Progressivement, les études sur l'activité électrique du cerveau et l'observation du dormeur ont permis de distinguer plusieurs phases dans le déroulement du sommeil, alternant repos complet et activité, endormissement, sommeil profond et sommeil dit « paradoxal ». Cette phase est appelée ainsi car, si le dormeur est bien en train de dormir, une intense activité est observable. C'est principalement, mais pas exclusivement, â ce moment que l'on rêve. Alors que le corps est au repos complet, les yeux deviennent mobiles, sont parfois ouverts, et l'activité électrique du cerveau est proche de celle que l'on connaît à l'état de veille. Le rythme cardiaque et la respiration s'accélèrent, et, selon la nature du rêve, ils sont parfois irréguliers, oscillant rapidement entre tonicité et lenteur. Ces moments de rêve apparaissent généralement toutes les 90 minutes, lorsque le sommeil n'est pas perturbé pour une raison ou une autre (stimulation extérieure, trouble du fonctionnement du cerveau par un état dépressif, une maladie dégénérative, etc.). Entre 20 % et 25 % de notre temps de sommeil correspondent à des temps de rêve, soit, pour une durée de vie de 75 ans, environ 5 années durant lesquelles l'on vit une réalité autre que celle qui fait notre quotidien ordinaire. Et pourtant elle lui ressemble. Dans le processus du sommeil et du rêve, une partie du cerveau est particulièrement sollicitée, semble-t-il ; il s'agit de l'une des plus anciennes zones cérébrales de l'espèce humaine, l'hippocampe. Pour certains chercheurs, cette région, répartie symétriquement sur les lobes, pourrait être la base de stockage et d'activation des souvenirs. Il semblerait aussi que, dans le rêve, la représentation des sons ou des formes soit directement liée à cette zone du cerveau, ce que son activation au cours du sommeil paraît prouver.

Un jour, le maître taoïste Zhuang Zi (IIIè siècle av. J.C.) rêva qu'il était un papillon, jouissant pleinement de sa légèreté et du jeu de la lumière dans laquelle il voletait. Devenu papillon aux ailes irisées, Zhuang Zi ne savait plus qu'il était Zhuang Zi.
A son réveil, il se  souvint qu'il était Zhuang Zi... mais une question lui vint immédiatement : était-il le papillon rêvant qu'il était Zhuang Zi, ou Zhuang Zi rêvant qu'il était papillon ?
 
 

Dernière mise à jour : 31-01-2010 20:23

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