Accueil arrow News arrow Dernières news arrow L'aventure du rêve lucide
L'aventure du rêve lucide Suggérer par mail
 

Ecrit par Sechy, le 30-01-2010 17:46

Pages vues : 11901    

Favoris : 69

Publié dans : Les News, Dernières news

Tags : Conscience, Lucidité, Nuit, Rêves


auxerre_aout1982.jpg
 
L'aventure du rêve lucide

Pour tous les onironautes

Extrait du dossier du Journal NEXUS n° 63 de juillet-août 2009
Réalisé par Azou Minihy, Jean Dhot et Laudator.
 
 
Technique yogique dans la tradition bouddhiste indo-tibétaine, la maîtrise du rêve lucide consiste à devenir conscient que l'on rêve. En France, la découverte de cette faculté psychique remonte au XIXe siècle. Longtemps contestée par les scientifiques, elle a été prouvée en laboratoire.
 
 
L'expression « rêve lucide » fut introduite en 1867 par l'écrivain et sinologue français Léon d'Hervey de Saint-Denys (1822-1892) dans l'ouvrage Les rêves et les moyens de les diriger. Pour expliciter le paradoxe apparent de cette juxtaposition de mots a priori contradictoires, l'auteur s'emploie d'abord à décrire comment il est parvenu à développer la faculté de rêver de manière lucide ce qui, pour lui, est synonyme d'être conscient de sa véritable situation pendant le rêve ou d'être conscient de rêver. Dans la deuxième partie de son livre, il précise, au cours de l'analyse critique qu'il fait des travaux du médecin Moreau de la Sarthe (1771-1826), qu'un rêve ne peut être « estimé lucide ou non-lucide selon qu'au réveil on parviendrait ou non à se le bien remémorer ». Il ne s'agit là que de souvenirs oniriques.
Plus tard, de façon assez identique, l'écrivain et psychiatre néerlandais Frederik van Eeden (1860-1932), souvent faussement cité comme étant l'inventeur du terme « rêve lucide », publia en 1913 un ouvrage sur le rêve, un roman intitulé The Bride of Dreams. il y consignait des expériences de rêve durant lesquelles il était conscient de son état qu'il qualifia de « lucide ». Plus tard encore, en 1968, Celia Green, philosophe et psychologue anglaise, propose dans un livre relatant des expériences de rêve lucide, Lucid Dreams, une définition similaire du rêve lucide : « Un rêve lucide est un rêve dans lequel le sujet est conscient de rêver ». Elle accorda surtout une crédibilité scientifique au rêve lucide, ouvrant ainsi la porte à des recherches plus approfondies dans le domaine.

Lucidité et facultés connexes
D'autres chercheurs, entre autres le psychologue allemand P. Tholey, définissent le rêve lucide par davantage de critères que ne le fait Celia Green (voir la définition plus bas).
L'expérience montre toutefois que plusieurs des critères exigés par Tholey ne sont que des possibilités qui découlent du fait d'être conscient que l'on rêve sans que cela se produise obligatoirement. Par exemple, le fait d'être conscient de notre état de rêveur n'entraîne pas dans tous les cas le souvenir du songe au réveil. Il arrive qu'un sujet se remémore fortuitement un rêve lucide plus tard dans la journée voire le surlendemain. En ce qui concerne le contrôle du rêve, de nombreux sujets assurent que, bien qu'étant conscients de leur situation de rêveur, ils n'ont pas toujours la faculté de diriger leur rêve, alors qu'à l'inverse des personnes relatent des rêves qu'elles ont pu contrôler sans toutefois avoir été conscientes qu'elles dormaient. Nous verrons d'ailleurs que le contrôle du rêve est plus le fruit d'un apprentissage qu'un élément lié à la lucidité.

Le point de vue bouddhiste
Dans la tradition bouddhiste, faire un rêve lucide est simplement défini comme le fait de reconnaître que l'on rêve. Le sujet doit, grâce à sa lucidité, accroître son habilité à maîtriser son esprit - mémoire, réflexion et ainsi de suite et guider ses rêves.
Ajoutons qu'il est important dans la définition du rêve lucide de ne pas considérer comme équivalents les termes « lucide » et « conscient », ou bien il faudrait préciser « conscient de rêver ». En effet, il serait excessif de dire que le rêveur non lucide est inconscient, comme il est expliqué dans les textes philosophiques bouddhistes. Pendant le sommeil, la conscience est intériorisée et demeure en quelque sorte passive lorsqu'il n'y a pas de lucidité. Le phénomène peut être comparable à nos états de rêveries pendant le jour, quand nous suivons quelques pensées de manière machinale sans vraiment nous rendre compte de ce que nous faisons sur le moment. Qui de nous n'a jamais été distrait au point d'accomplir une activité sans en prendre pleinement conscience, tel que de faire un trajet et d'arriver à destination sans avoir remarqué quoi que ce soit ?

Le rêve chamanique est-il lucide ?
Dans son essai d'anthropologie expérimentale, Les États non ordinaires de conscience, le chercheur français Michel Nachez évoque un certain nombre d'ethnies qu'il dénomme des « dream cultures », et qui utiliseraient selon lui depuis longtemps le rêve lucide, la plus célèbre étant celle des Sénoï, un peuple de Malaisie.
Cependant, face au manque de précisions dans les diverses études sur ce sujet, on est en droit de se demander si les Sénoï pratiquent vraiment le rêve lucide tel que nous l'entendons, tout comme on peut se poser cette question pour les autres traditions ancestrales et les divers arts de rêver chamaniques.
Dans ces traditions ou arts, parmi lesquels peut être inclus l'art de rêver décrit par Carlos Castaneda, l'objectif n'est pas tant de devenir lucide et de le rester que d'obtenir par le biais du rêve, ou parfois un état de transe appelé rêve, des initiations, des instructions, un renforcement psychique ou de parvenir à entrer en contact avec des entités variées, et ainsi de suite. Il serait donc sans doute plus approprié de parler, dans ces cas, d'induction de rêves spécifiques par suggestion ou hypnose et d'incubation que d'entraînement à la lucidité. Remarquons toutefois que cela n'exclut pas l'apparition spontanée de rêves lucides dans un contexte aussi favorable, même si d'après la connaissance que l'on en a actuellement la lucidité du rêveur n'est pas explicitement recherchée dans ces systèmes.


Une définition du rêve lucide
Paul Tholey, entre autres, définit le rêve lucide par une série de critères précis. Pour lui, le rêve lucide est caractérisé par sept aspects dont les quatre premiers sont essentiels :
1 - le sujet est conscient qu'il rêve ;
2 - il dispose de son libre arbitre ;
3 - sa faculté de raisonnement est normale ;
4 - ses cinq perceptions sensorielles sont comparables à la normale ;
5 - il a le souvenir de l'état de veille ;
6 - il se souvient clairement de son rêve au réveil ;
7 - il peut interpréter le rêve au moment même ou il rêve.


Des recherches anthropologiques plus précises seraient nécessaires pour lever le voile et bien déterminer quelle est la part de lucidité dans l'art du rêve des « dream cultures » ou des chamans. Afin de dissiper une autre confusion courante, il faut évoquer aussi le rêve éveillé, qui est une méthode psychothérapique inventée par Robert Desoille (1890-1966). Celle-ci est différente de la pratique du rêve lucide, car elle se fait lorsque l'on est réveillé et consiste à utiliser l'imaginaire comme mode d'accès à l'inconscient.

Preuve scientifique
La capacité d'être conscient que l'on rêve pendant le sommeil a été longtemps fortement contestée par de nombreux scientifiques ou philosophes. C'est ce qui a fait écrire à d'Hervey de Saint-Denys en introduction de son ouvrage : « Je sais bien que de tels préliminaires seront fort mal accueillis par certaines personnes qui assurent n'avoir jamais qu'un sommeil mortiforme, et qui vont jusqu'à repousser, comme une opinion déraisonnable, la seule idée que leur esprit ait pu veiller ; mais ce n'est point pour elles que je publie ce volume ; je les prie même instamment de ne pas l'ouvrir ».
Il a fallu attendre 1975 pour que la preuve de l'existence du rêve lucide soit produite par Keith Hearn de l'Université de Hull, en Grande-Bretagne avec le concours de son sujet, l'onironaute Alan Worsley. Pourtant, les résultats de l'expérience ne furent pas diffusés largement, et ce n'est que plusieurs années plus tard, aux États-Unis, que le psycho-physiologiste américain Stephen LaBerge publia dans la presse scientifique la description de ses expériences prouvant qu'un sujet peut être conscient qu'il est en train de rêver.
Sa démarche a été reprise et confirmée par la suite par plusieurs autres laboratoires dans le monde. La méthode est simple, elle a été mise au point indépendamment par les chercheurs en Angleterre et aux États-Unis, et repose sur des travaux antérieurs menés par les précurseurs de la recherche sur le sommeil tel que William Dement, qui avaient démontré que les directions des mouvements oculaires enregistrés durant le sommeil paradoxal pouvaient coïncider avec les orientations du regard en rêve rapportées par les sujets. Sur la base de cette observation, l'enregistrement polygraphique (variables physiologiques) des données physiques et électriques du dormeur est surveillé par un collaborateur ; lorsque le sujet prend conscience dans son sommeil qu'il rêve, il bouge les yeux selon un code convenu à l'avance, et ces mouvements volontaires bien spécifiques apparaissent sur les paramètres enregistrés.

Un apprentissage progressif

La possibilité de communication entre un onironaute habile et un chercheur a ouvert le champ à de nombreuses possibilités d'investigation. L'intérêt pour le rêve lucide s'est aussi développé et des méthodes d'induction du rêve lucide ont été mises au point. En effet, bien que le rêve lucide puisse se produire de manière spontanée chez de nombreuses personnes, en particulier pendant l'enfance, c'est un phénomène qui reste occasionnel et aléatoire. D'Hervey de Saint-Denys avait néanmoins déjà démontré qu'un entraînement approprié peut nous permettre de rêver lucidement chaque nuit, ou tout au moins de manière fréquente. Dans son ouvrage, l'auteur associe souvent les termes de lucidité et volonté, ce qui pousse à se demander s'il ne confond pas les deux. Toutefois, le passage suivant montre clairement qu'il n'en est rien : « Je voyais en même temps se développer chez moi, sous l'influence de l'habitude, une faculté à laquelle j'ai dû la plus grande partie des observations consignées plus loin, celle d'avoir souvent conscience en dormant de ma situation véritable, de conserver alors, en songe, le sentiment de mes préoccupations de la veille, et de garder par suite assez d'empire sur mes idées pour en précipiter au besoin le cours dans telle ou telle direction qu'il me convenait de leur imprimer ».
Stephen LaBerge, éminent spécialiste contemporain du rêve, écrit dans son livre, S'éveiller en rêvant (2004) : « Durant les rêves lucides nous pouvons raisonner clairement, nous remémorer les conditions de notre vie dans l'état de veille, et agir volontairement à l'intérieur du rêve après réflexion ou en accord avec des plans établis avant l'endormissement - et tout cela en étant profondément endormi et en expérimentant intensément un monde onirique qui peut se manifester comme étonnamment réel ».


puce2.gif
 

Un exemple de rêve lucide
 
« Le chemin qui se dessinait devant moi ainsi que tout le paysage aux alentours était couvert d'une épaisse couche de neige immaculée et scintillante de laquelle émergeaient d'immenses conifères. Il faisait frais, je marchais paisiblement, puis il me vint à l'esprit que je ne connaissais pas cet endroit et je me demandais comment j'avais pu arriver en ce lieu inconnu. A cela s'ajouta le fait que je me rappelai que nous étions en été et que, par conséquent, il ne pouvait neiger. Tout à coup, je compris que je rêvais et je fus sur le champ émerveillée et emplie de joie. Je continuais avec curiosité ma promenade dans la neige qui crissait sous mes pas. En sortant de la forêt, j'aperçus une maison à la toiture en terrasse à laquelle on pouvait accéder par un escalier de pierre, je me dis alors que si je montais sur ce toit, je pourrais voir le paysage au loin. Lorsque je gravis l'escalier abrupt, je sentis sous mes doigts la rugosité des pierres du mur sur lequel je prenais appui. Une fois arrivée sur le toit, je me demandai ce qui se passerait si je sautais dans le vide, ce que je fis un peu craintive. Je ne tombai pas ; au lieu de cela, je me mis à flotter doucement dans l'air et je restai ainsi quelques instants avant de me réveiller ».
 
 
 
 

Dernière mise à jour : 31-01-2010 20:09

Citer cer article dans votre site Favoured Print Envoyer à un ami Articles associés

Commentaires utilisateurs  Fil RSS des commentaires
 

Evaluation utilisateurs

 

Aucun commentaire posté



mXcomment 1.0.8 © 2007-2024 - visualclinic.fr
License Creative Commons - Some rights reserved
< Précédent   Suivant >