Ainsi le principe d’incertitude, a respecter ou pas, peut servir pour détecter les faux philosophes.
Si on est persuadé de la vérité des conneries que l’on énonce, alors on peut se mettre a pleurer.
Alors à quoi ça sert d’émettre des « vérités » douteuses, car qui détient vraiment une seule vérité en ce bas monde ?
Mieux vaut une vérité volatile qu’une vérité fixe ! ou vérité incertaine contre vérité certaine ou absolue. Celui qui croit en un Souffle supérieur, ou quelque chose comme le Dieu des Chrétiens tient cela pour vérité, mais même certains Saints ont eux des doutes à propos de leur Dieu, cela au moment où ils étaient allés le plus loin dans leur foi. C’est cela qu’on appel le MOUVEMENT.
Alors toute vérité profonde est terriblement ambiguë, pour ne pas dire paradoxale, par exemple les nazis ont détourné des symboles du bouddhisme et indirectement des Versets du
Tao-Tö King de Lao-tseu. Il est aussi facile de faire prendre des vessies pour des lanternes.
Donc la « vérité » philosophique est simplement un OUTIL qui protège le mental des illusions et des folies de ce monde.
Fixer le Volatil c’est par exemple rendre une pensée SOLIDE, ensuite il faudra la rendre Volatil : elle en deviendra autonome et ainsi elle sera capable de se défendre seule contre toutes les oppositions que l’on pourra lui faire, mais elle pourra surtout et avant tout se défendre contre des interprétations erronées et dénaturées.
En ce qui concerne l’hermétisme ou ce qui est caché à l’intérieur de quelque chose : l’homme du doute laisse reposer ses écrits sous des paraboles et des fables (les choses intelligibles cachent des secrets et les choses secrètes cachent des banalités), tandis que l’homme des certitudes n’a de cesse de publier ou de sonner à la porte de tout le monde.
Si la cuisine alchimique est une « sûreté » philosophique, parce qu’elle semble si obscure, pour ne pas dire absurde, c’est que son caractère est à la fois critique (sens de hautement difficile) et « impossible ».
Je parlais de matérialistes au début, mais par exemple dans l’épicurisme, ou compte seulement la matière et le rapport aux cinq sens, et à ce qu’on connaît du système nerveux central et de la notion de douleur et par conséquent de plaisir, et bien assimiler la vérité à l’existence matériel, le bien à l’existence du plaisir, c’est rester à la surface des choses et être parfaitement égoïste.
Le problème c’est que si on se lance a vouloir assimiler des vérités avec l’intérieur des choses on peut aboutir à des absurdités plus absurdes que l’épicurisme, c’est-à-dire n’avoir réussit qu’a fixer le Volatil.
Le matérialisme qui se voudrait une philosophie « vraie » ne serait que la plus triviale des pensées.
Le grand principe d’apprendre, c’est de ne pas prendre, du A privatif de prendre ! C’est-à-dire faire le VIDE, ou phase du NOIR ou SILENCE.
Un très bon exemple du contraire : faire le plein, croire que l’on possède la CONNAISSANCE (avec naissance) c’est
Bouvard et Pécuchet, philosophes de la sottise.
C’est pour cela que les moines Taoïstes aiment à se représenter en idiots, car un esprit médiocre est le plus souvent porté sur les « choses de l’intelligence », comme il est chanté dans
La Belle Hélène d’Offenbach, ou comme Montaigne déclarant avoir
l’esprit lent, comme les moines Taoïstes.
La peur et la honte de la plupart des hommes c’est de redouter de se savoir peu intelligents et redouter une impuissance sexuelle, comme si c’était perdre tout honneur et se voir rayé de la carte du monde des vivants que d’avouer un défaut d’intelligence.
Souffrir le martyr pour mériter le Paradis, ou pour obtenir un brin de vérité, ou un brin de lumière.
L’intolérance, l’allergie à l’incertitude entraîne beaucoup de personnes à souffrir les pires et plus réels des maux en échange d’un vague espoir de certitude, une bouée. Comme l’indique l’étymologie du mot Martyr (celui qui a souffert pour avoir refusé d’abjurer la foi en son Dieu), celui-ci TÉMOIGNE. Il a vu, donc il a raison, comme si la souffrance était une preuve, une signature de sa certitude. « Je souffre, donc j’ai raison », comme si l’épreuve de la souffrance suffisait à valider la pensée, ou plutôt l’absence de pensée, au nom de laquelle le martyr-témoin se dit prêt à mourir. Ainsi il y a un caractère insatiable pour la souffrance (alors que l’amateur de plaisir peut mieux être comblé), d’où la surenchère au supplice, ou la prison tel l’Ourobos qui tourne perpétuellement en se mordant la queue ; car ce symbole exprime aussi cet enfermement.
Un Fixe sans son Volatil est une certitude, ce qui aboutit au fanatique, celui qui croit détenir la « vérité certaine ».
Hormis ce que nous en pouvons connaître avec le terrorisme, le fanatique à une cause se reconnaît principalement à ce qu’il est totalement indifférent à cette cause et est seulement fasciné par le fait que cette cause lui paraît, à un moment donné, pouvoir être tenue pour certaine. Un marxiste convaincu prête peu d’attention aux thèses énoncées par
Karl Marx. Ce qui compte pour le fanatique c’est l’idée abstraite que le marxisme est vrai, mais en séparant cette idée de ce qu’écrit Marx. L’adoration d’une « vérité » se double d’une indifférence à l’égard du contenu de cette vérité même. (Comme en Alchimie, on ne peut pas séparer le contenant du contenu, et de l’opérateur).
Le fanatique ne croit lui-même à rien, il croit en revanche en celui ou celle dont il pense confusément qu’ils croient à quelque chose.
- « Ce n’est pas moi qui crois, c’est Lui ; et c’est pourquoi je crois en Lui, quoique je ne sache rien de Lui ni de ce qu’Il sait ». Cette croyance par procuration fait peur, car elle révèle la faiblesse humaine, ici la crédulité. Comme s’il y avait une totale incapacité personnelle de croire en quoi que ce soit. D’où le mystère de la croyance en un possible labeur alchimique, d’ailleurs peut-être légué par un groupe d’êtres charitables plus intelligents, et venus d’un autre Univers... offrirent un cadeau aux pauvres humains ; mais cadeau dont presque plus personnes ne connaît la signification.
Enfin, comme l’écrit
C. Rosset dans
L’École du Réel, tout fanatique est un sceptique malheureux et honteux de l’être.
Et plus loin : Car qui dit crédulité dit incrédulité, et fanatique dit versatilité, parce que la nature humaine est changeante et capricieuse. Crédule et incrédule, fanatique et versatile sont une même chose puisque l’acte de foi n’est le plus souvent qu’une compensation provisoire de l’incapacité à croire et qu’il est ainsi impossible de distinguer réellement le crédule de l’incrédule ou le fanatique de la girouette.
Notez aussi qu’on peut « arranger » la vérité pour que ça colle à son désir, d’où les problèmes en justice des hommes.
Et pour terminer, selon C. Rosset, le dernier mot de la philosophie de Platon et de Jean-Jacques Rousseau pourrait se résumer ainsi : que si la vérité est cruelle, c’est qu’elle est fausse, et doit par conséquent être à la fois réfutée par les doctes et dissimulée au peuple. La vérité peut faire du bien à certains mais elle peut aussi en tuer d’autres... Ainsi Gérard de Nerval note à l’article « Hypocondrie mélancolique » : C’est un terrible mal, elle fait voir les choses telles qu’elles sont. Combien de personnes de par le monde tentent par beaucoup de moyens douteux et si dangereux « d’échapper à la réalité » ? Celui qui fume ses cigarettes, celui qui vole pour se payer sa drogue quotidienne n’est guère mieux loti que le milliardaire qui s’offre une île, pour se faire construire un palace et y passer des « vacances de rêve », ou ce même milliardaire qui s’offre une toile de Picasso.
Par contre celui qui donne sans en attendre quelque chose pénétrera dans une autre réalité.
M. R.
(Page écrite d'après la lecture du livre de
Clément Rosset :
L’École du Réel, chapitre :
Le principe de cruauté. Les Éditions de Minuit, 2008).