La vérité première ou qui saute aux yeux ou « vulgaire », c’est qu’il est mort un vendredi. Tout ce qui suit semble une répétition en variation du Thème du vendredi.
Mais on peut en apprendre plus :
Que monsieur de La Palice ne mourut pas n’importe quel jour, que ce jour fut le dernier de sa vie, et surtout que les choses auraient été différentes (et qu’il s’en serait suivi la fausseté de la première information) s’il était mort le jour suivant (un samedi).
Ces trois informations ne sont pas une seule et même information mais bien trois informations qui se déduisent aisément les unes des autres, elles sont différentes et dans une certaine mesure autonomes. Il est différent de dire trois fois la même chose et dire trois choses qui peuvent se déduire les unes des autres. Cette lapalissade est une suite de vérités proches les unes des autres.
Rappel : le thème c’est que Monsieur de La Palice est mort un vendredi. Les variations sont subtiles en ce sens qu’elles font plus semblant de varier qu’elles ne varient véritablement, et apparaissent comme des variations imaginaires ou VOLATILS. Imaginaires en ceci qu’elles présentent comme énoncé nouveau quelque chose qui n’est pas nouveau mais déjà impliqué par l’énoncé du Thème.
Les variations ne disent pas exactement la même chose que ce qui a déjà été dit, mais n’en disent pas moins quelque chose qui revient au même (comme une boucle de « solve et coagule » alchimique pendant un certain temps). La « musique » consiste donc à émouvoir l’auditeur ou lecteur, en provocant l’illusion d’un « autre dire » qui trouve moyen de n’être « ni tout à fait le même ni tout à fait un autre ».
C’est l’émotion de cette musique qui passe pour comique.
La lapalissade est le contraire de la tautologie, un essai de démenti de la tautologie, essai voué a avorter, mais essai quand même.
Proche de la lapalissade se trouve le pléonasme, variation de lapalissade en plus lourd car souvent involontaire ou maladroit.
Une dernière :
la tautologie documentaire.
Exemple : « Un sous est un sou »
Ce n’est plus la forme A = A mais
A est A. Elle possède un caractère d’information, d’enseignement. La tautologie prétend attirer l’attention sur le fait qu’une chose quelconque est la chose qu’elle est, mais sans qu’il y ait la possibilité de modification ou d’altération. Ce n’est pas le cas de l’exemple cité.
Ce proverbe indique que l’argent possède une valeur, et qu’il faut l’économiser car il est difficile a gagner, ou qu’il faut savoir prêter attention à la plus petite somme pour pouvoir s’enrichir.
Selon C. Rosset le principe de A est A viendrait de
Martin Heidegger, d’après un passage d’une conférence nommée
Identité et différence.
A = A indique seulement une égalité, mais elle ne représente pas A comme étant le même ! La formule courante du principe d’identité voile précisément ce que le principe voudrait dire, à savoir que A est A, ou cet A est un FANTASME de la lapalissade.
Selon Heidegger, la formule courante du principe d’identité voile précisément ce que le principe voudrait dire. La formule la plus populaire de la tautologie : la lapalissade, oppose un démenti à ce que la tautologie voudrait dire.
A est A est la formule véritable de la tautologie. A n’est rien d’autre que ce qu’il est. Avec ça allez demander à un philosophe ce qu’est le réel ! C’est un peu la même chose que d’essayer de comprendre l’univers, pour cela, il faudrait pouvoir en sortir et l’examiner de l’extérieur ! et surtout prendre du recul !
Pour les anciens Égyptiens le nom, leur nom était sacré. Ils le cachaient par un pseudonyme, de peur de se faire voler leur personnalité. Le Pharaon qui voulait supprimer totalement son ennemi faisait effacer de tous les monuments possibles le nom de cet ennemi. Ainsi le nom est le réel, il ne peut rien être d’autre. Si l’ancien Égyptien perdait son vrai nom il perdait « corps et âme ».
Enfin C. Rosset cite abondamment les célèbres
Dupont et
Dupond de
Hergé et leur :
« Je dirais même plus ». Chez eux il peut y avoir
Thème et
variation afin de dégager une émotion, le
contraste ou
l’alternance jouera :
- C’est une lettre anonyme !
- Je dirais même plus : l’auteur de cette lettre ne s’est pas fait connaître.
Par contre les Dupondt peuvent rester sérieux et ne dégager aucune émotion, on obtient alors A est A, il n’y a aucun contraste :
- Tintin est un gredin !
- Un gredin ? Je dirais même plus : c’est... c’est un gredin !
C. Rosset cite
Eugène Ionesco qui illustre bien le
« parler pour ne rien dire »
- A propos d’une personne qui ne peut prononcer la lettre f. Au lieu de f, il disait f.
Ainsi, au lieu de : fontaine, je ne boirai pas de ton eau, il disait : fontaine, je ne boirai pas de ton eau.
Il prononçait fille au lieu de fille...
On peut aller très loin dans ce « paysage » du doublon ou tautologie ou lapalissade. C. Rosset poursuit encore sur plusieurs pages de son livre
L’École du réel sa brillante démonstration, et on pourrait aller beaucoup beaucoup plus loin pour aborder la « magie » des miroirs avec la métaphore et la comparaison, l’analogie, celle de la localisation et du temps et de l’espace...
Dans le miroir il y a un renvoie inversé, donc l’alternance joue. L’évidence est un miroir qui reflète une NON CHIRALITÉ, comme un célèbre tableau du peintre
Magritte (voir en haut de la page). La symétrie ne se déforme pas dans un miroir, c’est neutre, ou A est A.
Je termine avec : on cherche toujours ses lunettes alors qu’on les a sur le nez !
Donc pourquoi chercher bien loin ce que l’on a à sa porte. Ou encore : Bible : Livre de Sagesse :
Ce qui est à notre portée nous ne le trouvons qu’avec effort.
M. R.