OMBRE
 

Ecrit par Sechy, le 17-02-2009 15:17

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Tags : Conte, Égypte, Lumière, Ombre


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OMBRE
 
Pas d’ombre sans lumière !
 
En Égypte ancienne, l'Ombre est liée avec le Ka (le Soleil, dans le sens de Soufre. Le Point d'appui pour toutes manifestations.) ; elle ne quitte jamais son maître. Elle est le milieu où est inscrit ce qui est la mémoire émotionnelle et instinctive (sorte de deuxième mémoire, la première étant mémoire cérébrale ou apprendre par cœur).
C'est une sorte de corps illusoire. Dans ce pays de soleil, l'Ombre est importante notamment pour se reposer.
Toujours dansante et fugitive est l’Ombre.
 
 
Une histoire d’ombre d’après AFANASSIEV (le Grimm russe, dans le sens de recueillir des histoires orales avant qu’elles ne disparaissent) : Ivanouchka l’idiot. (Ici les noms des personnages sont changés et l’histoire se déroule en Égypte Ancienne).
Dans la campagne sèche et désertique de la haute Nubie, à l’orée d’un  village avec ses maisons basses sur le sable d’or du désert. Un canal arrose quelques dizaines de maigres palmiers dattiers.
Oukhaou (l’idiot, le 3e fils d’une même union), arrive les mains pendantes vers ses deux frères sensés, assis sur le pas de la porte de l’une de ces maisons basses.
    FRÈRE 1 : Que viens-tu faire ici Oukhaou ?
    OUKHAOU : Je vous ai apporté à manger.
Les 2 frères sensés se regardent en rigolant.
    FRÈRE 2 : Eh alors, donne vite !
    OUKHAOU : C’est que, mes frères, un homme que je ne connais pas s’est mis à me suivre le long du chemin et il a tout mangé !
    FRÈRE 1 : Quel homme ?
    OUKHAOU (il désigne son ombre) : Le voilà ! il est toujours là !
Les 2 frères se lèvent et tapent sur leur frère Oukhaou qui crie. Puis ils poussent leur frère derrière la maison.
    FRÈRE 2 : Bon à rien et idiot et toc toc (il montre sa tête), tu garderas nos brebis.
Et ils plantent Oukhaou devant le troupeau et s’en retournent devant la maison. Oukhaou s’avance et essaye de rassembler les 5 brebis qui courent dans tous les sens à son approche. Il les attrape une par une et leur crève les yeux. Après cela, il les rassemble et s’assied à côté, heureux de son labeur. Au bout de cet « incident » les 2 frères reviennent trouver leur frère et aperçoivent le sang sur les têtes des cinq brebis.
    FRÈRE 1 : Qu’as-tu fait Oukhaou, pourquoi les bêtes sont-elles aveugles ?
    OUKHAOU : Et à quoi leur serviraient leurs yeux ? Quand vous avez été partis mes frères, elles ont commencé à se disperser. Alors, moi, j’ai eu la bonne idée de les attraper, de leur crever les yeux et de les rassembler. Oh, quel mal j’ai eu !
    FRÈRE 2 : Attend un peu, tu vas le retrouver le mal.
Et tous les deux lui tape dessus. Oukhaou crie.

Un autre côté de la maison. Le vieux père envoie son fils Oukhaou faire des achats, il lui donne une bourse et le pousse en avant. Oukhaou faillit tomber, mais il reprend sa marche en sautillant joyeusement pour essayer d’échapper à son ombre. Il croise les deux gardes qui cherchent Nis (personnage principal d’une histoire plus importante que celle-ci) ; ceux-ci regardent fort intriguer le curieux jeu entre Oukhaou et son ombre.
    OUKHAOU (parlant à son ombre) : Tu m’en veux tant que ça pour me suivre toujours ainsi ? ou tu es amoureuse de moi ! (il se met à rire).

Sur le marché du village de haute Nubie. Nis est en train de mendier quelques provisions. Il se retourne pour observer la vive discussion entre Oukhaou et un marchand. Oukhaou se tient à côté d’une charrette ou son entassé table, ustensiles de cuisine, jarres de vin et d’eau et poteries diverses. La charrette est attelée à une misérable rosse. Après quelques palabres violentes avec le marchand, Oukhaou fait avancer le cheval ; et au détour d’une maison, il fait arrêter la charrette et se met à l’observer.
    OUKHAOU (il réfléchit tout haut) : Le cheval a 4 pattes, mais il est bien faible. La table a 4 pattes aussi et elle semble costaud, qu’elle fasse le chemin toute seul !
Et il balance la table sur le sable doré. Arrive Nis qui aperçoit cette table les 4 pieds en l’air sur le sable. Intrigué, il suit Oukhaou qui tourne à l’angle d’un mur. Un peu loin, un bassin attenant à une maison contient une eau bien claire. Oukhaou s’en approche et regarde le cheval si fatigué. Il essaye de faire boire le cheval, mais celui-ci refuse.
    OUKHAOU : Ah, tu ne dois pas boire sans sel ! Attends.
Il prend une cruche dans la charrette et déverse son contenu dans le bassin. Il essaye de faire boire le cheval, celui-ci refuse toujours.
    OUKHAOU : Pourquoi ne bois-tu pas charogne à loups ? Crois-tu que j’ai vidé toute cette cruche pour rien ?
Oukhaou saisit dans la charrette une jarre d’eau et la casse sur la tête du cheval qui s’effondre et ne bouge plus. Il constate que le cheval est comme mort, alors il dételle la charrette et se met à la tirer à la place de la bête.
Nis de plus en plus intrigué s’approche du bassin, plonge un doigt dans l’eau, le met dans sa bouche et recrache aussitôt. Il va vers le cheval mort, s’accroupit et met son oreille sur la panse du cheval ; avec un sourire, il tire quelques accords de sa harpe, à l’instant le cheval se remet sur ses pattes et cavale. Au détour d’une rue, le cheval renverse les deux gardes qui se rapprochaient dangereusement de Nis. Ils tombent tous les deux sur leur derrière en criant et dans le tintamarre de leurs armes.

Devant la maison d’Oukhaou. Les deux frères voient leur Oukhaou tirer la charrette lui-même, ils s’aperçoivent qu’elle est vide.
    OUKHAOU (joyeux) : J’ai tout acheté mes frères !
    FRÈRE 1 : Bravo Oukhaou. Mais les achats, où sont-ils passés ?
    OUKHAOU : Et bien, la table arrive toute seule, mais on dirait qu’elle a du retard ; quant aux provisions, les oiseaux les ont mangées, les jarres, j’ai comblé les fossés du chemin avec, et le sel je l’ai mis dans un grand bassin pour abreuver le cheval, comme il ne voulait pas boire, je lui ai cassé sur la tête une jarre d’eau.
Les deux frères fous de colère attrapent Oukhaou, lui tape dessus. Il est à moitié assommé. Le 2ème frère entre dans la maison et ressort avec un grand sac. Les deux frères mettent Oukhaou dedans et ficellent le sac, ensuite ils le chargent sur la charrette et la traîne vers le canal où baignent les palmiers dattiers. Nis continuant sa fuite de l’Égypte, aperçoit les deux frères déposant le gros sac gigotant sur le sol, puis ceux-ci se dirigent ensuite vers le bord du canal. Nis veut intervenir, mais il n’a pas le temps, car un noble Égyptien en belle robe de fin lin avec un collier aux émaux de couleurs vives, vient à passer assis sur un beau cheval racé et fougueux.
Le sac crie :
    OUKHAOU : Délivre moi, on veut me faire Gouverneur, m’envoyer administrer une province, mais je ne connais rien à tout ça !
    NOBLE : Attends un peu, moi je sais administrer.
Le noble dénoue les ficelles du sac et aide Oukhaou à sortir.
Aussitôt Oukhaou tape sur le noble et l’assomme à moitié ; il le place dans le sac qu’il reficelle. Ensuite, Oukhaou monte sur le cheval fougueux et décampe. Au bord du canal l’un des deux frères plonge un bâton dans l’eau.
    FRÈRE 1 : C’est assez profond pour y jeter Oukhaou.
Et ils vont chercher le sac qu’il traîne jusqu’au canal et le flanquent dedans. Les deux frères retournent vers leur maison. Nis qui avait observé la scène se précipite et délivre le pauvre noble suffocant et recrachant de l’eau.
Devant la maison, les deux frères aperçoivent Oukhaou arriver sur son beau cheval.
    OUKHAOU : Vous avez vu le cheval que j’ai attrapé ! Mais dans l’eau, il en est resté un encore plus beau, gris pommelé qu’il est, une vraie merveille.
    FRÈRE 2 : Oukhaou, met nous dans un sac et jette-nous à l’eau, et le pommelé est à moi…à nous !
Oukhaou descend de cheval, va chercher un très grand sac dans la maison, et ficelle ses deux frères dedans. Il charge le sac sur une sorte de brouette, et se dirige vers le canal où Nis finit de ranimer le noble qui crie :
    NOBLE : C’est lui !
Mais Oukhaou a déjà déversé le sac dans le canal et s’enfuit vers sa maison. Nis effaré se met les mains sur la tête et abandonne le noble reprenant lentement ses esprits. Nis tire les deux frères hors de l’eau, les délivre, les ranime comme il peut, puis il s’entretient avec eux.

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Selon Carl Gustave Jung, l’Ombre est tout ce que le sujet refuse de reconnaître ou  d’admettre et qui pourtant toujours s’impose à lui, directement ou indirectement.

Selon quelques traditions, l’homme qui a vendu son âme au diable perd aussi son ombre.

L’oiseau vole sur les hauteurs, et son ombre se hâte sur la terre, volant comme un oiseau.
Le sot poursuit l’ombre, courant après elle, de sorte qu’il s’épuise,
Ne sachant pas que c’est le reflet de cet oiseau dans l’air, ignorant l’origine de l’ombre.
Il lance des flèches vers l’ombre ; son carquois se vide dans cet effort.
Le carquois de sa vie est devenu vide, sa vie s’est passée à courir après l’ombre.
(Djalâl-od-Dîn Rûmî, Mathnawî, Livre premier, vers 417-421)
 

Dernière mise à jour : 17-02-2009 15:25

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