Du parc des grands et en traversant sur un petit pont, nous pouvions aller porter nos affaires à laver à la buanderie.
Le premier jour de l'arrivée à la colo, c'était l'inventaire des
affaires qui se trouvaient dans notre valise. Comme ma mère n'avait pas
les moyens de faire fabriquer une étiquette brodé à mon nom, elle en
avait cousu quelques unes sur quelques vêtements, et ces petites
étiquettes étaient écrite simplement avec une encre plus ou moins
indélébile. C'était un moment très déprimant pour moi cet inventaire,
parce que cela me rappelait la maison et son odeur. Nos affaires
étaient rangé à la fois dans un petit meuble à côté de nos lits (voir
sur la photo) et dans un local attenant à la buanderie. Nos valises
étaient entreposées dans un grenier. Encore maintenant, plus de 40 ans
après, je rêve avec angoisse que j'ai laissé des affaires importantes
dans cette colonie.
Le lendemain, nous devions passer à l'infirmerie pour la séance
d'épouillage, avec épandage sur les cheveux d'une sorte de "farine".
En haut de la page, vous pouvez voir le dortoir, oui le même à peu de
chose près car ils se ressemblaient presque tous, dortoir ou je
couchais. Il y avait près de 40 lits. De mémoire, il ne devait exister
qu'un ou deux dortoirs avec seulement 6 ou 10 lits. Le supplice était
de faire son lit au carré chaque matin, comme au service militaire (je
n'ai fais que 2 mois heureusement). Défaire son lit et plier ses draps
et ses couvertures. Pour les couvertures et les draps, je ne savais
jamais comment faire tout seul , alors que certains s'aidaient deux par
deux. D'autre enfants et moi étalions nos couvertures au sol dans un
grand nuage de poussière, en essayant de plier au mieux draps et
couvertures. Après le petit déjeuné il fallait faire notre lit. Et
évidemment après le repas de midi il y avait la sieste, souvent avec
obligation de rester la tête sous les couvertures !
Je garde peux de souvenirs de la toilette du matin, si ce n'est, que
par économie peut-être, l'eau de la chaudière au charbon était souvent
tiède, ce qui était désagréable pour se laver les dents. Eau tiède et
même froide plus encore désagréable pour se doucher une fois par
semaine si je me rappel bien, dans des alvéoles de douches en grès d'un
gris verdâtres inquiétant. J'en rêve encore à 62 ans passé.
Dans tous mes séjours à Breteuil-sur-Iton, j'étais comme une sorte de
zombie, étranger à presque tout ce qui était autour de moi ;
certainement une sorte de protection, mais plus un état déprimé, que je
supportais sans aucun médicament. Seul le vert de la végétation
semblait être attentif à moi et de ce fait me consolait et m'apaisait.
J'ai retrouvé ce phénomène de consolation et d'apaisement bien plus
tard à l'âge de 45 ans, près de Volvic en Auvergne, dans une petite
forêt, lorsque j'étais assez déprimé et angoissé. Les
Élémentals cela existe pour moi, et cela en était la preuve. Même chose au scoutisme et toujours parmi la végétation.
La dépression et la peine se renforçaient lorsque je recevais du
courrier de mes parents. Quelquefois ma mère m'envoyait un billet de 10
fr dans une enveloppe et avec cela je m'achetais un paquet de
chewing-gum à la chlorophylle ou aux fruits. Mais le fait de lire son
courrier renforçait encore plus ma peine de n'être pas à la maison avec
mes parents.
Les jours de beau temps mais pas tout le temps, les moniteurs, dont je
ne garde aucun souvenir, nous emmenaient dans les bois de Bémécourt.
J'essayais de me perdre en pensées parmi les allées de ces bois très
humides. Les jours de mauvais temps on nous emmenaient à l'unique
cinéma de Breteuil-sur-Iton. Alors là, j'étais au Paradis, toutes les
misères s'enlevaient de moi et j'étais dans le film, partageant les
émotions des acteurs. Le cinéma était vraiment magique pour moi. Je me
souviens des quelques films : Sous le plus grand chapiteau du monde,
quelques Sissi, Heidi, et de plusieurs westerns. Dans l'obscurité de la
salle de cinéma, j'arrivais à partager mes émotions durant les suspens
du film avec mon voisin, chose vraiment extraordinaire, moi qui n'ai
jamais adressé la parole à un autre enfant durant mes séjours dans
cette colonie ! Après la séance, c'était très dur de regagner la colo !
Les jours ou nous n'avions aucunes sorties en dehors de la colo, le
temps était très long, et le seul changement de rythme pour moi était
l'heure du goûter. En plein air le plus souvent, on nous distribuait
dans des bols du lait, et on nous donnait du pain et quelques morceaux
de chocolat noir. Le lait était versé à la louche dans le bol et il en
tombait à côté souvent sur le sol.
Dans mes errements dans l'un des trois parcs nommé plus haut, je me
perdait dans mes pensées de Paris et de mes parents en regardant les
grands arbres en bordure du mur d'enceinte de la colo, en pensant
peut-être m'évader ! Près de L'Iton et de la buanderie il se trouvait
aussi un jardin potager avec un enclos. J'aurais voulu y aller car cela
me semblait être un Paradis.
Certains jours de pluie, on installait un vieux projecteur
Debrie
de 16 mm entre les bancs du réfectoire, et on nous projetait sur un
drap blanc un vieux Bibi Fricotin en Noir et blanc et quelques autres
bandes de films français noir et blanc de l'époque.
Avant d'entrer dans le réfectoire pour les repas, il fallait se mettre
en rangs par colonnes devant le péron de l'escalier menant au
réfectoire. Dedans régnait un grand bruit au moment des repas. Pour les
petits déjeuners, le beurre était vraiment rare à se mettre sur les
tartines de pain ! Au déjeuner, ceux qui étaient punis étaient
contraint de sortir sur le péron du réfectoire avec leur assiette en
Duralex
et de continuer à manger ainsi. Les moniteurs mangeaient dans une salle
à part. Je ne me suis jamais plain auprès de mes parents du manque de
nourriture ; elle était correcte certainement. Ce n'était absolument
pas le cas dans une autre colonie de vacances où ma mère a eu la
mauvaise idée de m'envoyer ! La colonie de
Trébeurden
en Bretagne. Les responsables de cette colonie s'en foutaient plein les
poches sur le dos des enfants qui n'avaient pas assez à manger. Je me
souviens avoir complété mes repas par des
Carambars achetés à l'épicerie du coin !
À la fin du mois du séjour, il y avait une fête générale à la colo. On
dressait une estrade avec des tentures vertes de chaque côté pour les
coulisses, et de petites pièces jouées par les enfants y étaient
représentées. Cela ne me fut pas du tout agréable ! vu mon expérience
des colonies dès l'âge de 6 ans !... et par rapport à certaines
chansons, qui devaient me "conditionner" plus ou moins.
Le plus douloureux furent les trop rares visites de ma mère au cours de
mes séjours dans cette colonie. Le fait de la voir pendant une journée
me serrait le cœur et bien-sûr le plus dur était le moment de son
départ. C'était terriblement déchirant pour moi. Une fois le patron
chez qui ma mère était secrétaire vint me voir, car il avait un voyage
d'affaire près de Breteuil. Quand ce monsieur fut parti, cela me fut
tout aussi douloureux que si c'était ma mère. Il s'appelait Monsieur
Berlin.
Quand je pense que j'ai obtenu mon diplôme de moniteur de colonies de
vacances ! J'ai exercé une seule fois ce "métier" pendant 15 jours dans
une colonie dans l'Yonne. Le salaire était vraiment médiocre, et les
enfants n'étaient pas trop "insupportables".
Comme à cette époque nous habitions rue de Lévis à Paris 17ème, j'ai
rencontré plusieurs fois le directeur de la colonie de Breteuil faisant
son marché rue de Lévis, il ne devait pas habiter loin de là. Il
s'appelait Monsieur Morel, si je me rappel bien.
Michel Roudakoff
La photo du haut de la page représente, exactement, l'état du dortoir
de la colonie de Breteuil-sur-Iton, où je me retrouvais plusieurs
années de suite aux cours des grandes vacances d'été, et une fois aux
vacances de Pâques. À Pâques, le chauffage fut en panne et il fut
installé un grand poêle à charbon en plein milieu du dortoir. Je ne me
rappel plus par où s'évacuait la fumée ! ! !