Par la maison de Montmorency-Laval ou de Craon :
Chenillé, Fontaine-Milon, Grattecuisse, Briollay, Champtocé, Ingrandes.
En Poitou : La Maurière. Dans le Maine : Ambrière, Saint-Aubin-de-Fosse-Louvain.
Par son mariage avec Catherine de Thouars, il bénéficiait de :
Tiffauges, Châteaumorant, Savenay, Lombert, Grez-sur-Maine.
À 28 ans Gilles hérite de son grand-père : Jean de Craon, lorsque celui-ci meurt en novembre 1432.
Un mécène
Gilles dépense sans compter, orfèvre est employé à plein temps. Comme il aime le théâtre, il attire des acteurs et créé des pièces couteuses : 600 personnes richement vêtues, selon Vallet de Viriville, pour monter le Mystère du Siège d’Orléans. Il entretient une importante garnison militaire : 200 hommes à cheval avec leurs valets. A Machecoul (photo du haut) et Tiffauges il entretient le clergé, et fait même une demande à Rome afin de nommer un évêque.
Une fondation faite à Machecoul en faveurs des Saints Innocents est attesté par un acte du 26 mars 1435 à Orléans, par devant notaires. Gilles dépense plus que ses revenus, il signe de nombreuses reconnaissances de dettes ; il engage même ses livres. Aussi pour entretenir son train de vie il est obligé de prendre sur son capital : propriétés et châteaux, avec semble-t-il une grande indifférence explique Jean-Pierre Bayard.
Mais dans sa famille on commence a s’inquiéter, et ses proches demandent à Charles VII d’intervenir. « Interdiction et deffense de non aliener ses terres et seigneuries ne vendre rentes ou redevances sur icelles ». Cette défense est publiée au son de trompette dans toute la région angevine.
Jean V convoite ses biens et est prêt à tout pour y parvenir, mais le roi ne veut pas que des places importantes soient livrées au duché de Bretagne, qui veut son indépendance.
Jean se rapproche de Gilles, le flatte. Il lui confie la lieutenance générale du duché, l’acte est signé le 2 novembre 1437.
Être prodigue reflète la mentalité de son époque, l’aube de la Renaissance. Un seigneur doit étaler sa fortune. Depuis les croisades, le monde riche et lumineux de l’Orient a marqué les hommes d’arme médiévaux. On disperse le pécule amassé par les ancêtres économes en fastueuses inutiles prodigalités et autres extravagances.
Le Moyen-Age est une époque très riche en imaginaire, plus que maintenant ; il n’y a qu’à voir quelques enluminures, ou des émaux. Les divertissements pour le peuple sont nombreuses, tout comme le fêtes chômées : contrairement à notre époque d’esclavagisme industriel, l’ouvrier ne travaille pas plus de cinq jours par semaine, et durant ses repos il peut gratuitement assister à des divertissements instructifs, comme
le Roman de Renard par exemple donné en représentation.
Le Moyen Age n’a jamais été une période d’obscurantisme, c’était une époque riche et fascinante, joyeuse et violente.
Qui dit imaginaire dit aussi fantastique, errance et effectivement obscurité. L’alchimie est en plein boum et ne pouvait que toucher Gilles de Rais. L’héritage des croisades, de l’Orient et des enseignements arabes a favorisé cette mode de l’Alchimie. Le Moyen-Age étant très religieux, l’Alchimie mêlant spiritualité et matière ne pouvait qu’attirer beaucoup de monde, dont le pape
Gerbert d’Aurillac.
L’art alchimique remonte à la nuit des temps, dès que l’humain a pris conscience de l’énergie qu’il a appelé FEU. L’Alchimie se confond souvent avec une phase de préparation de potions médicinales : la Spagyrie, laquelle nécessite aussi la technique d’imprégnation des forces cosmiques et planétaires.
Mais la vraie Alchimie est, selon ce qu’en résume bien un auteur anonyme :
« Centrum centri », ou mettre Tout dans un Principe... à partir de ce Principe (origine-racine).
Et dans cette vraie Alchimie, l’Or n’entre pas en « en ligne de compte ». Un Adepte du nom de Eyrénée Philalèthe résume bien ce danger du miroir aux alouettes de l’Or, qui en a tué autant que les guerres avec l’opinion :
« Et il n'y a pas lieu de m'accuser de jalousie, puisque j'écris d'une plume audacieuse, dans un style inhabituel, en l'honneur de Dieu, pour l'utilité de mon prochain et pour condamner le monde et les richesses ; car déjà l'Artiste Elie est né, et l'on dit des merveilles de la Cité de Dieu. J'ose même assurer que je possède plus de richesses que n'en dispose tout l'univers connu ; mais les embûches des méchants ne me permettent pas de m'en servir.
C'est avec raison que je méprise et déteste cette idolâtrie de l'or et de l'argent, avec lesquelles tout s'apprécie, et qui ne servent qu'à la pompe et la vanité du monde. Quelle infamie, quelle vaine pensée vous pousse à croire que si je cache mes secrets, c'est par jalousie ? Vous-vous trompez : j'avoue être profondément attristé d'être un vagabond errant par toute la terre, comme si le Seigneur me chasserait de sa vue ». (
Entrée ouverte au palais fermé du roi, chapitre 14, paragraphes 28 et 29)
Selon Jean-Pierre Bayard, Gilles de Rais a pu faire venir en sa retraite de nombreux chercheurs en Alchimie. On ne peut pas connaître les détails, pour la bonne raison que les Adeptes, grands ou petits, conservent l’anonyma. Cependant, Gilles mentionne Antoine de Palerme, François Lombard, Jean Petit de Paris, ce qui n’apporte rien. Par contre, à cause du procès de Gilles, on connaît Francesco Prelati : né à Monte-Catini près de Pistole dans le diocèse de Lucques, en Italie. Prelati vient en France à 23 ans, il fut très cultivé, épris de science et de littérature.
Lors du procès de Gilles, il s’accusa d’avoir demander à un orfèvre de lui « fabriquer de l’Or ». Avec la bêtise de l’acte et sa réponse, on se demande encore quelle était la justice sous Charles VII !
Mais quand les coffres de Gilles commencent à se vider les uns après les autres, il cherche par l’Alchimie le moyen de « faire de l’Or ». Là encore, on peut se poser des questions : comment un homme si cultivé, qui s’est instruit auprès de chercheurs en Alchimie, peut en être réduit à vouloir fabriquer naïvement de l’Or ? Ou bien les Adeptes qu’a connu Gilles étaient des crétins !
Ensuite, comme il n’y arrivait pas, il aurait demandé de l’aide aux démons ! Là encore ça frise l’imbécilité... non pas de la part de Gilles, mais de ceux qui on monté son procès et des historiens qui suivent ces idioties.
Le plus grave, et là est bien le jugement d’obscurantisme porté contre le Moyen Age, provient tout simplement de la cause de l’Inquisition : cette horreur entretenait l’obscurantisme, puisqu’elle poussait les sorciers et autres magiciens à redoubler non seulement de prudence, mais encourageait leur multiplication. Il est bien connu que tout ce qui est interdit est excitant !
À suivre...